Autant les bruits de la jungle sont menaçants quand on a peur, autant ils sont hypnotiques quand on y couche. Une pluie fine tombe pour rafraichir la nuit et le chant du moindre petit insecte est audible. Les lucioles allument les arbres.
Au crépuscule les filons de brume cachent le détail qui se révèle graduellement aux premiers rayons du soleil sur le plat miroir de la rivière : Orang-outan, singes Proboscis, macaques, calaos, grues, crocodiles et papillons se réveillent.
Nous repartons initiés, suivant les multiples méandres de la Sékonya, entre : Belian, Sarangan-Batu, Ramin et Méranti, précieux arbres de parfois deux mètres de diamètre. Les pertes de mercure et de la boue de l’extraction des mines d’or en amont sur la Sékonya sont nocives pour les espèces. L’eau est glauque, les poisons meurent : les « Orang-Ulu » , ou peuple de l’intérieur, habitants des « longhouses », déracinés, partent vers les villes.
Et pourtant ce milieu est envoutant, jusqu’au dernier virage de la rivière. De l’embouchure on voit plus loin, la file de cabanes et bateaux qui se pelotonnent au quai de Kumai. Pour la dernière fois Hendra lave le pont d’Epéridi et la batterie de cuisine dans l’eau de la rivière. Il prépare deux cartons d’ordures qu’il lance à l’eau à l’approche du quai. Tant pis, ils ne se distinguent pas des autres parmi des vielles chaussures, plastique, écorces de noix de coco, coquillages et déchets métalliques. Mais quelqu’un a eu la bonne idée de garder propre la jungle. Pas autant d’habitants c’est sur, et peu de corps étrangers. J’ai quand même vu un jeune Orang-outan peler soigneusement, comme un étrange fruit métallique, une canette de cola. Il suce le jus sucré : ils aiment les sucreries.